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Damien Abad : visé par une enquête, le ministre restera-t-il au gouvernement ?

[Mis à jour le 1er juillet 2022 à 18h21] La situation au gouvernement de Damien Abad est de plus en plus fragilisée. Le ministre des Solidarités est désormais visé par une enquête préliminaire par le parquet de Paris, après le dépôt d'une plainte pour tentative de viol, lundi 27 juin. Ce dernier a immédiatement démenti ces "accusations mensongères et scandaleuses" et a annoncé qu'il allait porter plainte pour dénonciation calomnieuse. Depuis un mois, l'avenir au sein de l'exécutif de l'ancien député LR est remis en question. Plusieurs témoignages ont été relayés par le journal d'investigation Médiapart. En tout, ce sont trois femmes qui incriminent Damien Abad de viol ou d'agressions sexuelles. Il est soutenu jusqu'ici par Élisabeth Borne, mais l'ouverture de cette enquête préliminaire pourrait bien sonner le glas pour le ministre des Solidarités. D'autant que la Première ministre doit annoncer prochainement la nouvelle composition de son gouvernement. Cette fois-ci, Damien Abad est clairement remis en question, y compris à l'intérieur de son camp...

Après avoir remporté les élections législatives dans sa circonscription de l'Ain, Damien Abad avait donc été maintenu à l'issue du scrutin, pour le plus grand regret d'un marcheur qui s'est confié auprès du journal Le Parisien : "Tout le monde aurait préféré que ça s'arrête vite, mais comme aucune décision politique n'a été prise… " Comme un symbole, un autre député LREM s'est ému de la situation auprès du journal, sans dévoiler son identité : "Aucun élément de langage n'a été envoyé. Il n'y a pas de ligne, mais il n'y en a jamais eu !" Le constat est cinglant, 24 heures après l'ouverture de l'enquête contre Damien Abad, l'exécutif navigue à vue. Pour beaucoup de personnalités politiques et d'observateurs, le ministre ne devrait pas conserver sa place. Certains ressortent même la phrase, lourde de sens aujourd'hui, déclarée par Élisabeth Borne lorsque les premiers témoignages contre Damien Abad étaient sortis : "S'il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, on tirera toutes les conséquences de cette décision." Pour les avocats de l'intéressé, "l'ouverture d'une enquête préliminaire est une non-information, puisque chacun sait que toute plainte enregistrée est systématiquement suivie de l'ouverture d'une enquête préliminaire". Chacun avance ses pions, bon gré mal gré...

Le soutien n'est pas total dans son camp

Auprès du journal Le Parisien, un marcheur s'est ému de la situation que traverse Damien Abad, et de l'immobilisme qui découle de cette affaire : " C'est comme si on n'avait pas de ministre. Il y a un empêchement total ! Dès qu'il donnera une interview, la première question sera là-dessus, et la dernière aussi. Le moindre déplacement sera chahuté. C'est intenable d'imaginer qu'il puisse répondre à la moindre question au gouvernement…" D'autres membres de la majorité estiment que le ministre des Solidarités est "devenu un inconvénient politique".

L'entourage de la Première ministre ne s'engage pas beaucoup plus. "Il est important que les plaignantes saisissent la justice qui est la seule à pouvoir établir la vérité dans cette affaire de manière impartiale et dans le respect de la parole", rappelle-t-il. Pour autant, tout le monde n'est pas catégorique au sein de LREM pour écarter Damien Abad. Ainsi, Le Parisien rappelle les dires d'un pilier de la majorité avant les législatives : "Bien sûr qu'on est embêtés, mais est-ce qu'on va commencer à couper des têtes au prétexte que des accusations sont portées dans la presse ?"

L'opposition demande son retrait

À l'annonce de l'ouverture d'une enquête pour tentative de viol, mercredi 29 juin, à l'encontre de Damien Abad, plusieurs membres de l'opposition ont demandé, à nouveau, la démission du ministre des Solidarités. Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère de Paris et militante féministe, a ainsi déclaré sur le plateau de BFM TV : "Je réclame la démission de Damien Abad." Plus tôt, le 20 juin, plusieurs militantes avaient publié une tribune dans Le Monde appelant Damien Abad, et plus généralement tous ceux qui sont concernés par des affaires de violences sexuelles, à démissionner : "Nous, femmes de tous milieux professionnels, de tous bords politiques, demandons la démission immédiate de Damien Abad et de toute personne mise en cause pour violences sexuelles ayant un mandat politique."

La victoire de Damien Abad aux législatives

Pour le moment, Damien Abad doit son maintien à deux titres : son ralliement après la réélection d'Emmanuel Macron et sa réélection aux élections législatives. En effet, le député sortant de la 5e circonscription de l'Ain a obtenu un score confortable de 57,86% des voix. Emmanuel Macron avait prévenu ses ministres. En cas de défaite, ils devraient quitter le gouvernement. Sa victoire lui a donc assuré de garder sa place au sein de l'exécutif... pour le moment ! Ainsi, le président de la République a confié la lourde tâche à Élisabeth Borne de former un nouveau gouvernement. Reste à savoir si la victoire aux législatives et son importance au sein de la droite traditionnelle prendront le pas sur les affaires le mettant en cause...

Damien Abad, de député LR à ministre des Solidarités

Damien Abad a été nommé par Emmanuel Macron ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées le 20 mai 2022. Cette nomination est le fruit d'un processus de plusieurs semaines, les discussions entre le député et Thierry Solère, conseiller politique du chef de l'Etat, connu pour recruter des nouveaux soutiens à droite, ayant débuté seulement quelques jours après la réélection du chef de l'Etat selon Le Figaro. Des messes basses qui n'ont pas plus aux Républicains. C'est sous la pression de nombre d'entre eux que Damien Abad a finalement annoncé qu'il quittait la présidence du groupe LR à l'Assemblée nationale et qu'il se mettait "en congé" de son parti le 19 mai, à moins de 24 heures de sa nomination au gouvernement.

Damien Abad s'en est expliqué de nouveau dans les colonnes du Figaro : "Je décide aujourd'hui de quitter ma fonction de président du groupe LR à l'Assemblée dans un souci de clarté, de cohérence et de responsabilité", a-t-il assuré. "Je reste un homme de droite, mais je ne me reconnais plus dans la démarche de LR", a notamment expliqué Damien Abad, affirmant que "face au danger populiste, [il] ne cro[yait] pas aux clivages anciens, mais au rassemblement de tous ceux qui souhaitent faire avancer notre pays".

Quel est le handicap de Damien Abad ?

Damien Abad souffre d'une maladie congénitale rare appelée "arthrogrypose". Cette maladie, dite "syndrome d'immobilité fœtale", provoque avant même la naissance, des anomalies neurologiques et se manifeste par une série de problèmes musculaires aux quatre membres. Les conséquences peuvent aussi être d'ordre squelettique ou viscéral. Si la mortalité à la naissance est importante, la durée de vie d'un malade peut être ensuite normale, mais souvent avec de lourds handicaps.

Damien Abad est le premier élu de la Ve République à porter un handicap aussi visible et est, en ce sens, l'une des rares personnalités à incarner l'inclusion des personnes souffrant d'un handicap physique dans le monde politique en France. Le ministre ne s'exprime que très rarement à ce sujet. Il faut remonter à une interview de janvier 2020 au Parisien pour voir Damien Abad évoquer sa maladie : "J'ai toujours fait en sorte que ce ne soit ni un frein ni un moteur en politique", affirmait-il alors. "La toute première fois que vous arrivez sur un marché, pour distribuer des tracts, c'est là que c'est le plus difficile."

En mai, Damien Abad est revenu sur son handicap pour se défendre contre les accusations de viols le visant. "Dans ma position, l'acte sexuel ne peut survenir qu'avec l'assistance et la bienveillance de ma partenaire. […] En outre, je suis dans l'incapacité de porter une personne, de la transporter et de la déshabiller", a-t-il expliqué. 

Qui est Damien Abad ? Biographie express

Damien Abad était donc jusqu'à présent député LR de l'Ain et président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale. Né le 5 avril 1980 à Nîmes, il est issu d'une famille qui a fui l'Espagne de Franco pendant les années 1930-1940. Le nom d'Abad est d'ailleurs d'origine languedocienne et catalane. Damien Abad suit une scolarité brillante, malgré son handicap lié à une maladie neurologique, l'arthrogrypose (lire plus bas). Il sortira major de Sciences Po Bordeaux et est diplômé de Sciences Po Paris dans les années 2000, où il deviendra maître de conférences. Il ne parviendra pas cependant à intégrer l'ENA, échouant à deux reprises au Grand oral de l'école d'administration.

Jeune, Damien Abad se rapproche très tôt de la politique, en travaillant pour les groupes centristes à l'Assemblée nationale sur les questions budgétaires et fiscales. Il sera candidat dès 2007 aux législatives dans les Yvelines, mais obtiendra moins de 5% des voix au premier tour. Fondateur des "Jeunes Centristes" en 2008, il devient Secrétaire général adjoint du Nouveau Centre deux ans plus tard. Damien Abad se cherche alors un territoire comme point de chute et est successivement élu conseiller municipal de Vauvert (Gard), député européen dans la circonscription Sud-Est à la faveur d'une alliance UMP-NC en 2009, puis conseiller régional de Rhône-Alpes et enfin conseiller départemental de l'Ain, trouvant enfin un département d'adoption et un nouveau parti : l'UMP. Lors des législatives 2012, il est élu député dans la 5e circonscription de l'Ain, nouvellement créée. Il a été réélu en 2017 avec 35% des voix au premier tour et 67% au second, face à une candidate de la République en Marche.

Damien Abad est connu pour avoir été l'un des plus jeunes élus du Parlement européen, benjamin des eurodéputés français. Il sera aussi un des six plus jeunes députés de France à l'Assemblée nationale. Soutient de Bruno Le Maire pour la primaire de la droite en 2016 et néanmoins fidèle à François Fillon pendant la campagne de 2017, il sera un temps vice-président des Républicains après avoir soutenu Laurent Wauquiez pour la direction du parti. Il avait soutenu Xavier Bertrand en amont de l'élection présidentielle de 2022 et s'affichait depuis comme favorable à un rapprochement avec LREM.



source https://www.linternaute.com/actualite/biographie/2629087-damien-abad-vise-par-une-enquete-le-ministre-restera-t-il-au-gouvernement/

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